le Maregraphe de DDU

Le marégraphe de DDU



Le marégraphe de DDU fait partie d’un réseau mondial d’instruments du même type, et comme son nom l’indique, fournit en premier lieu les hauteurs de marée, nous allons voir qu’il a d’autres utilités bien plus importantes. Il est situé du côté de l’île des Pétrels où l’accès est facile, en face de l’île du Lion.

Nous profitons de l’été pour intervenir sur cet appareil et le but est d’effectuer l’automatisation de la saisie de données. Il faut intervenir sous l’eau et un plongeur est venu pour cela, comme campagnard d’été, profitant de la fonte de la banquise et donc d’un accès relativement facile, car la plupart des opérations vont se faire en plongée. C’est Jasmin qui va se charger de l’opération. Jasmin est un charmant garçon avec lequel j’ai particulièrement sympathisé car il est d’origine Africaine, comme moi somme toute, et nos discussions nous ramènent souvent à cette Afrique de notre enfance que nous aimons tous les deux, il est d’origine Béninoise. Nous avons également une passion en commun, la plongée, lui comme plongeur en bouteille professionnel, moi comme apnéiste chasseur. La différence bien sûr, c’est que c’est un vrai black lui. Je ne peux manquer de le railler sur l’originalité de voir un black sur la banquise, ça le détend un peu avant la plongée qui est toujours un moment un peu stressant étant donné les circonstances


 La préparation de Jasmin




Une anecdote amusante à propos de son contrat. Lorsque Jasmin a postulé pour ce poste, il a eu affaire à une employée de l’agence pour l’emploi à qui il a déclaré qu’il venait pour le job de plongeur en Antarctique. Elle lui a rétorqué qu’il n’y avait pas de poste pour la plonge à DDU, mais qu’il n’y avait aucun problème pour trouver un job dans le restaurant d’en face ! Tout a fini par s’arranger puisqu’il est là !

Le but de l’opération est d’automatiser ce marégraphe en lui connectant un faisceau de câbles qui retransmettra l’information à une centrale d’acquisition placée au chaud dans la base qui retransmettra à son tour, via satellite, les données sur le réseau mondial en temps réel. Aujourd’hui, il faut souder le tuyau d’acier dans lequel passera le faisceau qui lui servira de protection. Jasmin est plongeur/soudeur, et il faut des qualifications spéciales pour cela car c’est assez dangereux.





Il utilise une combinaison sèche grand-froid qui autorise le port de vêtements chauds du type polaire. En effet, il faut savoir que la température de l’eau de surface se situe entre -1,4 et -1,8 degrés, il faut donc être bien équipé, et malgré tout, le froid finit par gagner inexorablement au bout d’une heure de plongée environ.


J’ai laissé entendre au début que l’utilité de cet appareil était multiple. En effet, la hauteur de la marée à DDU à une heure donnée, donnée primaire, n’est pas utile en soi ; personne n’en a besoin sur la base et le reste du monde s’en moque comme de l’an quarante, n’est-ce-pas ? Mais voilà que l’automatisation va déjà permettre d’envoyer les données sur le réseau mondial d’alerte aux tsunamis, qui est l’élément majeur d’un programme international de sauvegarde des biens et des personnes depuis le tsunami dévastateur de 2003. Ah, là je vois que ceux qui vont se baigner dans les zones à risques commencent à être intéressés !

D’autre part, ces données vont surtout être employées pour quantifier un phénomène autrement plus dangereux pour l’humanité : la montée du niveau des océans due au réchauffement climatique. Dans ce but, on utilisait déjà pour cela en temps différé la hauteur moyenne mesurée ici comme ailleurs. L’automatisation en cours va permettre de rendre la chose plus simple. Mais elle va permettre surtout d’évoluer vers une autre technique de beaucoup plus large échelle : la mesure directe par satellite qui permet de mesurer partout et tout le temps. Mais il se trouve que pour des raisons sur lesquelles je ne vais pas m’étendre, les radiomètres actuels embarqués sur les satellites d’observation sont très précis pour les mesures relatives mais pas pour l’absolu. Autrement dit, on détecte très finement avec ces appareils des variations de hauteur (de l’ordre de quelques mm !!), mais pas la valeur de la hauteur d’eau à un endroit précis avec la précision souhaitée. Le marégraphe, lui, fait les deux : on peut donc utiliser ses données pour calibrer les mesures satellites.

Alors, me direz-vous, l’augmentation du niveau des océans, c’est une blague? Mauvaise nouvelle : non seulement ce n’en est pas une contrairement à ce que vous disent certains imbéciles médiatisés heureusement en voie de raréfaction, mais l’océan Antarctique voit son niveau monter comme les autres océans, et à une vitesse encore plus élevée que prévue par les modèles climatiques.

La baignade de Jasmin
A vos maillots de bain donc !