Antarctique : le continent glacé du bout du monde.

 L'Antarctique, qui a longtemps été appellé "Terra incognita", fait toujours partie des zones les moins connues de notre planète, et représente encore pour beaucoup un grand mystère. Force est de constater que ses caractéristiques sont souvent très étonnantes.



 Coiffé de sa calotte glacée, l'Antarctique s'inscrit à peu près dans un cercle de 4500 km de diamètre et d'une superficie de 14 millions de km². Plus grand que les Etats-Unis (9,4 millions) ou que l'Europe (10,5 millions), ce continent occupe un sixième de la surface terrestre. Un océan glacial, dont la surface gelée varie de 2,65 millions de km² en été à 18,8 millions en hiver, entoure totalement cet étrange territoire.

L'épaisse calotte glaciaire donne à l'Antarctique la plus grande altitude moyenne de tous les continents : 2300m. En comparaison, celle de l'Asie avec l'Himalaya n'est que de 950m et celle de l'Amérique du nord de 720m. A son point le plus épais, la plus imposante couche de glace du monde dissimule le soubassement rocheux sous 4800m d'eau gelée.

Le point le plus élevé de la calotte se dresse dans l'Antarctique oriental et atteint près de 4100m d'altitude.

Ici une vue au voisinage du "Dome C" au coeur du continent non loin de la base Franco-Italienne de Concordia.



Mais le point culminant est le sommet du mont Vinson à l'altitude de 4897m.


 Environ 90% de toute l'eau douce mondiale est retenue dans la calotte glaciaire qui recouvre la quasi-totalité (98%) du continent. Cela représente un volume d'eau énorme et si cette glace fondait, le niveau des océans de la planète s'élèverait d'environ 60m : à méditer dans le cadre du réchauffement climatique.

 Il y fait bien sur très froid avec le record mondial mesuré à la base soviétique de vostok en juillet 1983 ou le thermomètre y est descendu à -89,6 °C. Généralement durant le mois le plus froid, la température moyenne à l'intérieur du continent se situe entre -40 et -70°C; et lors du mois le plus chaud, elle oscille entre -15 et -35°C. Sur la côte, où se trouve la base Française de Dumont d'Urville, il ne fait que -15 à -35°C en hiver et au voisinage de 0°C en été avec tout de même +9,8°C pour la canicule la plus forte jamais enregistrée!

 Cette relative douceur cotière est due à la présence de l'océan Antarctique dont la température minimale de surface ne descend pas au dessous de moins 2 degrés environ et qui tempère la froidure de l'air. Mais attention, ces chiffres qui peuvent paraître surprenants sont ceux concernant des mesures de température sous abri et il y a d'autres paramètres qui sont à prendre en compte pour considérer la rigueur du climat : par exemple le vent.

 La zone de la base de Dumont d'urville (DDU) est l'un des endroits les plus ventés de la planète. Il y a environ 10 jours par mois en moyenne ou le vent dépasse les 100km/h ( par comparaison environ 4 à 5 jours par an en Bretagne). L'une des causes réside dans le ballet des perturbations qui se succèdent et qui tournent autour du globe dans les basses latitudes à plus grande vitesse que dans l'hémisphère nord car il n'y a que très peu de terres émergées et ainsi le frotement s'en trouve réduit. C'est ce phénomène qui a amené à qualifier les "quarantièmes rugissants" vers 40° de latitude sud et les "cinquantièmes hurlants"; certains évoquent mêmes les "soixantièmes vociférants". Au delà, les vents faiblissent quand ils atteignent les côtes Antarctiques mais il en reste encore une bonne dose.
 Mais il y a bien plus forts : les vents catabatiques.
 Ce sont des vents de gravité qui naissent au coeur du continent. Dans les basses couches de l'atmosphère, les températures sont si basses et donc la densité de l'air si élevée, que des masses d'air se mettent en mouvement sous l'effet de leur poids et commencent à dévaler la pente douce des hauts plateaux Antarctiques. La vitesse est très faible au départ, quasiment imperceptible, puis progressivement elle augmente  avec le temps sur leur long trajet de mille à deux mille kilomètres sans un obstacle par endroits qui constituent de véritables couloirs jusqu'à ...la côte. Au bout du chemin, ces masses d'air atteignent des vitesses folles dépassant souvent les 200 km/h. Ce sont les vents de surface parmi les plus puissants qui soient; ci dessous l'enregistrement anémomètrique réalisé à DDU en 1972 qui constitue sans doute le record mondial avec...320 km/h en rafale maximale instantanée!



 Inutile de dire que lorsque ces vents souflent, les consignes de sécurité sont à respecter à la lettre...

 Et pour revenir sur la notion de rigueur du climat que l'on avait un peu oublié avec nos canicules à 9,8°, il faut plutôt considérer la température ressentie qui est aussi une fonction de la vitesse du vent.

On a ici un tableau qui donne une idée de cette notion qui dépend bien sur de l'équipement personnel. Ces tableaux sont faits pour les zones "normales" du reste de la planète et on constate vite que l'Antarctique y est hors échelle puisque les températures ne vont que jusqu'à -50° et la vitesse du vent est limitée à 80 km/h. Mais on peut vérifier qu'à -30° par exemple et 80 km/h de vent, la température ressentie est de -68°C. Et à 320 km/h on peut extrapoler et imaginer que l'on est dans le Dantesque!
  Cet environnement très hostile crée les conditions pour avoir le plus grand désert de la planète. Malgré tout, des formes de vie primitives sont adaptées à ces conditions précaires. Quelques animaux microscopiques survivent dans les rares endroits où l'environnement est légèrement plus favorable qu'ailleurs; l'habitant permanent le plus gros est une mouche aptère (sans ailes). Quant aux plantes, elles regroupent surtout des mousses et des lichens; l'un d'entre eux a même réussi à se développer sur des rochers à 400 km à peine du pôle sud.
 Naturellement, en été, on rencontre de nombreuses espèces d'oiseaux et de phoques tout autour du continent, mais un seul, le manchot empereur y demeure tout au long de la nuit hivernale. Animal fascinant que j'aurai souvent l'occasion d'évoquer.

 Le premier homme à avoir vu l'Antarctique a certainement été l'explorateur russe Faddei Faddeievitch Bellingshausen, le 27 janvier 1820, bien qu'il semble ne pas avoir eu conscience de sa découverte. Un an plus tard, en février 1821, le premier à en fouler le sol fut le navigateur américain, John Davis. Toutefois, quelques doutes subsistent sur le point exact où il a accosté, et il est possible que ce ne soit pas sur la grande terre.
 Si Davis n'a pas touché réellement le continent, celui-ci a alors été conquis 74 ans plus tard, en janvier 1895, un équipage ayant atteint le cap Adare sous le commandement du baleinier Henryck Bull.

 Bien qu'aucun humain n'y habite de façon permanente, aujourd'hui, quelque 2000 personnes vivent en Antarctique pendant les brefs mois d'été, occupant une quarantaine de bases sur le continent et les îles proches. En hiver, la population se réduit à environ 800 personnes.