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Les radicaux de Roberto

Roberto est un jeune physicien Italien de 30 ans qui est là pour la campagne d’été, c’est un de ceux que l’on appelle les « campagnards d’été », pour ne pas les confondre avec les hivernants. Nous sommes venus ensemble à R1 et c’est avec lui et un autre chercheur, Christophe, que l’on avait créé notre petit groupe musical sur le bateau où il jouait de la guitare. Roberto est un musicien accompli, excellent pianiste de plus et parfaitement trilingue. Mais il n’est pas venu pour jouer de la musique avec moi ! Roberto travaille au LIPHY, laboratoire interdisciplinaire de physique de Grenoble dans un programme de collaboration avec le LGGE, laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement qui est aussi à Grenoble et qui est son laboratoire d’origine. Après son doctorat de physique passé en Angleterre, le voilà donc post-doc en Antarctique pour tester et mettre au point un prototype basé sur le principe de la spectroscopie laser destiné à mesurer la quantité de certains radicaux halogénés dans l’atmosphère.

Les radicaux de Roberto sont les monoxydes de brome, BrO, et d’iode, IO présents à l’état de traces dans l’air. Il s’agit de pister ces composants qui interagissent avec certains composants soufrés eux aussi présents dans l’atmosphère au sein de réactions à la cinétique complexe qui sont étudiés par le LGGE. Ces molécules soufrées jouent un rôle important dans la basse troposphère en fournissant notamment des noyaux de condensation, vous voyez où je veux en venir : les nuages sont créés par accrétion d’eau sur des noyaux de condensation. Bref, ces recherches sont liées à celles concernant le réchauffement climatique, et le météorologiste que je suis est aux anges, mais voyons donc comment cela fonctionne.

Tout d’abord, il faut nous rendre à l’extrémité sud de l’île sur laquelle se trouve la base, dans un « shelter » mis à disposition par l’IPEV.

                                                                  Le Laboratoire
                                            
Cette position excentrée est due au fait que la source d’air doit être la plus éloignée possible de toute contamination car il s’agit de mesurer des concentrations extrêmement faibles, des ppT (parties par trillion.)

Le cœur du système est constitué d’un laser infra-rouge dont le faisceau est envoyé dans une cavité optique contenant de l’air pompé à l’extérieur puis un spectromètre en analyse le spectre. Le principe du spectromètre est simple, sa mise en œuvre beaucoup moins : la lumière interagit avec la matière de sorte que chaque élément simple possède une signature unique. On peut donc savoir en analysant la lumière émise par de la matière de quoi elle est composée, c’est comme cela par exemple que l’on sait quels éléments contient une étoile. D’autre part, l’air est aspiré en aval du dispositif de façon à n’avoir aucun contact avec un corps de pompe qui pourrait le polluer. Le tuyau qui conduit l’air a fait l’objet de multiples essais car il faut impérativement éviter les réactions chimiques avec les quelques rares molécules que l’on cherche à débusquer ; c’est le téflon qui a remporté le challenge. Le tout est relié à un ordinateur qui pilote d’une part le dispositif, et d’autre part qui analyse les signaux du spectromètre en comparant le spectre de l’air filtré qui sert de base et l’air provenant de l’extérieur qui contient les fameux radicaux.
       
            
                                                                    Le dispositif

Le prototype

Ce qu’il faut bien comprendre en ce qui concerne l’intérêt de ce dispositif et son aspect novateur, c’est sa miniaturisation. En effet, des mesures de ce genre ont déjà lieu de par le monde en utilisant des lasers qui « tirent » sur des distances de l’ordre du kilomètre pour avoir un volume d’air suffisant. Les inconvénients sont évidents : les données issues de cette mesure ne sont pas représentatives d’un point donné mais d’une moyenne sur le volume exploré ; de plus, le dispositif n’est évidemment pas transportable



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                                                                 Le Laser

L’astuce a consisté à utiliser une cavité optique dans laquelle, grâce à des jeux de miroirs, la lumière parcours un trajet beaucoup plus important en faisant des aller et retours : de l’ordre de la trentaine de km. Difficulté : des phénomènes de résonances se produisent et il a fallu développer un software pour piloter le système et aboutir à la stabilité du signal.

N’allons pas plus loin, cela commence à devenir compliqué, et puis laissons Roberto pomper ses radicaux, il a du boulot !


                                                   Les mesures